Belgique: le tribunal rejette toutes les accusations contre la scientologie

Rédigé par Eric Roux le 12/03/2016 à 17:11 | 12/03/2016

Ce vendredi 11 mars, dans une décision extrêmement motivée de 173 pages, le Tribunal correctionnel de Bruxelles a mis fin à 18 années de harcèlement judiciaire à l'égard de l'Eglise de scientologie de Belgique et de ses membres, en estimant qu'aucun des faits reprochés n'avait été prouvé et que le procureur et les enquêteurs s'étaient fourvoyés en voulant faire le procès d'une philosophie religieuse au mépris des droits fondamentaux des scientologues et de l'Eglise.

Cette décision est la conclusion d'une enquête de plus de 18 ans menée par les services du procureur, d'un procès public qui a duré 2 mois, et de 3 mois supplémentaires de délibéré que les juges ont mis à profit pour tout examiner à nouveau.

Elle est certainement l'une des plus intelligentes, des plus motivées et des plus poussées qu'il m'ait été donné de lire.

Je vous en livre ici quelques extraits qui résument les constatations du tribunal.

Sur les faits et les infractions reprochés, pour lesquels les juges ont tenté de manière extrêmement poussée et sans aucune complaisance de voir s'ils pouvaient être constitués :

p157
« Comme exposé précédemment, le tribunal a tenté en vain, tant au cours des longues séances d'interrogation des prévenus lors de l'instruction d'audience, que par l'audition de témoins, par ses demandes de précisions formulées tout au long des débats et en particulier lors du réquisitoire oral du ministère public, puis lors de l'examen minutieux et détaillé du dossier répressif, et ce compris les pièces à conviction au greffe, de comprendre les poursuites intentées par la partie poursuivante à l'égard des prévenus. »


Sur l'enquête et ses errances :

P147
« L'analyse qui a été faite tant des préventions d'organisation criminelle et d'association de malfaiteurs, dont il a déjà été question, que certaines autres dont il sera question ci-après d'une part, mais également et surtout le réquisitoire oral que le ministère public a exposé pendant une dizaine d'heures d'autre part, laissent apparaitre qu'en réalité, ce qui a été visé, ce ne sont pas tellement les comportements infractionnels individuels de chacun des prévenus, mais que de manière générale ce qui semble poser problème à la partie poursuivante, c'est l'idéologie ou la philosophie constituée par l'enseignement de Monsieur Ron Hubbard au travers de la scientologie.

p 148
« En d'autres termes, avant d'être le procès de chacun des quatorze prévenus poursuivis devant le tribunal de céans, c'est en priorité le procès de la scientologie, au sens doctrinaire du terme, que la partie poursuivante a entendu mener. »

p149
« ... Il va de soi que cette manière d'articuler son réquisitoire ne laisse planer aucun doute quant au fait que, dans l'esprit de la partie poursuivante, ce qui est en premier lieu visé, c'est la pensée scientologue elle-même, que le tribunal devrait sanctionner au travers de la condamnation des prévenus.
Les constatations de la Sureté de l'Etat, après analyse de certaines pièces du dossier, ne vont d'ailleurs pas dans un autre sens. »


p150
« Or, les éléments qui viennent d'être exposés démontrent, selon le tribunal, que si les prévenus sont poursuivis dans la présente cause, c'est d'abord parce qu'ils sont des adeptes de la scientologie, ce dont ils ne se sont d'ailleurs jamais cachés. Le ministère public est bien évidemment libre de la manière dont il entend mener les poursuites et de la façon dont il estime devoir présenter un dossier au tribunal, mais il n'en demeure pas moins que cet a priori, sous l'angle duquel les causes ont été exposées au tribunal, est de nature à obliger les prévenus à devoir défendre en premier lieu la doctrine à laquelle ils ont adhéré, avant même de pouvoir envisager leur défense relativement aux faits et comportement concrets qui leur sont reprochés. A l'instar d'un prêtre catholique accusé de pédophilie ou d'escroquerie aux aumônes, ou d'un terroriste, responsable de l'un ou l'autre attentat, dont les comportements criminels ne se jugeraient pas en fonction des enseignements de la Bible ou du Coran ou de certains de leurs passages, parfois pourtant très explicites, les actions des prévenus ne peuvent être considérées comme infractionnelles uniquement sur la base des écrits idéologiques et doctrinaux de leur croyance, à charge pour eux de démontrer le contraire. Une telle exigence reviendrait à imposer aux prévenus de prouver leur innocence, le ministère public se contentant de démontrer que le caractère d'incitation au crime ou au délit, contenu, selon lui, dans les écritures scientologues, suffit à présumer de la culpabilité des prévenus, les quelques éléments concrets cités au dossier ne faisant quant à eux qu'étayer cette présomption de culpabilité. »
 
p 156
« En l'espèce, comme il a été exposé ci-dessus, la partie poursuivante (et les enquêteurs, clairement animés d'un même a priori négatif) entendait voir juger avant toute chose, la doctrine même de la scientologie, développée par Monsieur Ron Hubbard, les prévenus poursuivis n'étant, dans cette optique, que le véhicule nécessaire pour y accrocher les préventions considérées comme présentes au sein de l'enseignement scientologue. »
(…)
« De par cette approche, les prévenus furent, la plupart du temps, présumés coupables de par le simple fait d'être membre actif au sein de leur Eglise. »


Le tribunal a finalement déclaré l'ensemble des poursuites irrecevables pour "atteinte grave et irrémédiable au droit à un procès équitable".


 

Eric Roux
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